Que les choses étaient confortables il y a quelques années… Le recrutement ? Une fiche de poste, un CV, une lettre de motivation, une présélection, 5 entretiens et le candidat entamait sa période d’essai. Une douce ritournelle pour les recruteurs, que tout le monde reproduisait tranquillement depuis cinquante ans. Mais c’était le temps d’avant. D’avant la guerre des talents, d’avant la pénurie et du plein emploi des cadres, d’avant la révolution digitale, d’avant les milléniaux dopés à la fast attitude.
Alors il faut tourner la page du confort et oser l’audace, car la transformation de l’entreprise doit forcément passer par la transformation du recrutement. S’il y a mille et une façon d’avoir de l’audace, voici quelques idées pour disrupter les mauvaises habitudes.
C’est beau un Curriculum Vitae, surtout si le candidat l’a bien soigné. Mais que reflète-t-il ? Les diverses compétences techniques du postulant. En bref, des savoirs techniques qui sont aussi énumérées sur la fiche de poste. Pour débusquer le candidat idéal, il suffirait donc de faire « matcher » les deux et, à coups de mots-clés, ce serait gagné. Sauf que l’essentiel manque dans ce CV et cette fiche de poste : la capacité à travailler en équipe, à être autonome, à apprendre à apprendre ou à respecter des règles, mais aussi le fameux sens de la relation client entre autres compétences « douces », les célèbres soft skills.
Ce n’est pas un hasard si Google, le premier recruteur au monde, embauche en priorité sur des critères de compétences cognitives (capacité à apprendre, communiquer, résoudre un problème, etc.) ? En France, 60% des recruteurs considèrent que les compétences comportementales sont plus importantes que les compétences techniques, selon une récente étude de Pôle Emploi. Mais combien ont mis en place les méthodes de sélection adéquates ? Nous savons que les métiers de demain ne se baseront pas sur les compétences acquises hier. Un recrutement doit être une rencontre, ou toutes les qualités d’un candidat se révéleront, ou pas. Mais ce qui est certain, c’est qu’elles ne se révéleront jamais dans un CV, aussi joli soit-il.
Imposer qu’une moitié des noms figurant sur les listes de candidats finalistes pour un poste corresponde à des populations discriminées est choquant en soi ? Je suis bien d’accord et je le regrette. Mais force est de constater que la diversité est encore une audace dans les entreprises. Car le compte n’y est toujours pas. L’égalité des chances reste un graal et les short-lists ne sont pas encore équilibrées malgré les efforts de certains. On sait que le taux de chômage des cadres est très faible, mais de quels cadres parle-t-on ? Être audacieux c’est imposer des actes forts. Un engagement qui apporte aussi un nouveau souffle à l’entreprise qui découvre, par l’entremise de ces femmes et de ces hommes, une manière différente d’appréhender le monde et le travail.
L’audace quand on recrute, c’est de tenir compte de tout ce que l’entreprise de papa déteste : l’émotion. Mais pas celle qui permet d’y céder et de masquer sa clairvoyance. Il s’agit de cette autre forme d’intelligence, qui consiste non pas à laisser ses émotions à la porte de l’entreprise mais au contraire à s’en servir. Parce qu’un candidat qui sait les piloter comprend mieux l’état émotionnel de l’équipe au sein de laquelle il évolue, comme on l’a écrit ici. En détectant, et en recrutant des candidats à fort quotient émotionnel, on favorise l’épanouissement collectif, le bien-être au travail. Une excellente façon d’augmenter la performance et de limiter le turnover.
Un recrutement sur 2 échoue dans les 18 mois. Un chiffre qui limite la réputation de science exacte du recrutement. C’est une pratique qui ne s’improvise pas. Or quand un opérationnel s’y emploie de temps en temps, il a du mal à être efficace. Parce que la plupart du temps, il n’a pas été formé, et il ne dispose d’aucun outil d’évaluation. Il a tendance à en dire trop et à être trop directif. Tout le contraire de la bonne pratique. Toutes les erreurs de la pratique amateur. L’audace c’est d’oser s’avouer que les managers et les dirigeants ne savent pas recruter. Et qu’il faut oser les former.
Certains candidats, arrivés au bout de leur parcours de recrutement, font presque l’unanimité ? Proposons-leur de venir passer une après-midi dans l’entreprise. Cette dernière s’est bien vendue et parfois survendue au cours des différents entretiens ? Voyons ce que le candidat pense de la boîte dans un cadre de travail quotidien. Et voyons ce que la boîte pense du candidat en immersion dans une ambiance de boulot. Maintenant laissons-le voir la réalité par lui-même. C’est une forme de mini période d’essai avant l’heure. L’avantage pour l’entreprise, c’est que plutôt que d’attendre trois mois pour acter le départ du candidat, elle n’attendra que 2 heures, en cas de manque d’atomes crochus. On limite ainsi les erreurs de casting.
90% des start-up échouent au cours des deux premières années, et le taux d’échec des nouvelles entreprises plus classiques est de 50% sur la même période. Pour autant ces dirigeants sont-ils irrécupérables ? Bien au contraire, ils nourrissent souvent un sentiment de revanche et peuvent faire profiter l’entreprise qui les recrute de leurs compétences typiques du chef d’entreprise. Car ils savent aller à l’essentiel, savent faire beaucoup de choses en même temps, exercer plusieurs métiers, et surtout, se contenter des moyens qu’ils ont.
En conclusion, une étude l’APEC pointe le fait que, sur le marché des cadres, 4 offres sur 10 ne sont toujours pas pourvues au bout de 3 à 6 mois. Comme ce chiffre risque d’empirer cette année, je pense qu’il est temps de passer la vitesse « audace ».
Via www.journaldunet.com