Au cours des dernières décennies, de nombreuses politiques ont été mises en place pour favoriser l’égalité femmes-hommes. Lutte contre les discriminations, mesures pour une meilleure répartition des obligations familiales, promotion des filières scientifiques et techniques auprès du public féminin, loi Copé-Zimmermann… Ces actions portent leurs fruits mais les évolutions restent lentes. Pour Isabelle Bastide, il faut aujourd’hui pouvoir réformer de l’intérieur, sans attendre une nouvelle loi ou la mise en place de pénalités, et dans ce cadre, les dirigeants et managers ont un rôle clé à jouer sur le changement de mentalités !
Bien sûr, avant même l’entreprise, il y a l’étape « éducation ». Parce que de nombreux biais sont introduits, et induits, dès le plus jeune âge. Parce qu’il y a des jouets apparemment réservés aux garçons, des jouets pour les filles, des couleurs pour les uns, des couleurs pour unes, des activités et des sports pour l’un ou l’autre… Et puis des études sexuées, puis des métiers, faits plus pour les uns que pour les autres. Tous ces biais cognitifs, qui nourrissent tant les hommes que les femmes depuis leur plus jeune âge, formatent notre société (cette vidéo l’illustre avec intelligence).
Chez les femmes, le biais inconscient se retrouve dans ce qu’elles se sentent capables de faire ou non. Revenons sur l’exemple souvent traité des femmes dans les métiers techniques, scientifiques ou dans l’IT (SMIT). Alors même que les filles sont, le plus souvent, non moins douées pour les sciences que leurs homologues masculins (alors que les scores PISA sont quasi équivalents), combien se cantonnent encore aux sciences sociales, aux langues ou à la littérature par convention ? Ou parce qu’une école d’ingénieur, une grande école ou un diplôme en mathématiques les enverrait selon toute vraisemblance plutôt vers « un métier d’hommes » ? Combien se détournent spontanément de carrières (politique, militaire, scientifique, industrielle, commerciale, …) parce qu’il est inscrit, y compris en elles-mêmes, que ces voies ne leur sont pas destinées ? Aujourd’hui, alors même que les femmes sont en moyenne plus diplômées que leurs homologues masculins, elles restent « moins susceptibles que ces derniers d’exercer une activité rémunérée » selon l’OCDE.
Chez les hommes, un biais similaire se retrouve dans ce qu’ils imaginent comme de leur devoir. Subvenir aux besoins de sa famille, gagner de l’argent, faire un métier « dur », avoir un poste à responsabilité et monter, toujours, dans la hiérarchie.
Pourtant, le modèle a évolué. Depuis plus de 20 ans, le nombre de femmes dans l’emploi en France n’a cessé d’augmenter si bien que le taux d’activité entre hommes et femmes en France ne présente plus aujourd’hui qu’un écart de 8% (chiffres OCDE). Le schéma classique de la femme au foyer et de l’homme qui nourrit sa famille n’est plus la norme et les cartes ont été largement rebattues. Et si l’on évoque souvent l’émancipation des femmes, celle-ci ne peut être décorrélée, en réalité, de celle des hommes, dont la situation et les aspirations ont de fait évolué en miroir. De nombreuses mesures comme le congé paternité, le congé parental pour les pères ou encore la flexibilité des horaires participent aujourd’hui à réduire les biais comme les inégalités qu’ils entraînent et à équilibrer les rôles autour de la maternité et de la famille, cause première de la discrimination des femmes dans l’emploi.
Nous ne cessons de le répéter et les chiffres le prouvent : la diversité et l’entreprise inclusive sont un moteur de performance. La complémentarité entre les hommes et les femmes est sans nul doute plus intéressante pour l’entreprise et la croissance économique que leurs différences.
Forts de ce constat, les managers et dirigeants se doivent de porter le changement des mentalités, d’éduquer, de contribuer à une distribution équitable des rôles au sein de l’entreprise pour soutenir les avancées sociales et sociétales. Ils doivent être les garants de la parité dans l’entreprise et permettre, par leurs messages et leurs actions, l’accès à des postes d’encadrement et de direction à des femmes afin de favoriser leur participation à la prise de décisions.
Aujourd’hui, la part des femmes, tous secteurs confondus, à des postes de management ne dépasse pas 32% et les différences de salaires oscillent, selon les sources et éléments pris en compte, entre 10 et 17%. Ce n’est que grâce à un travail de fond, à des politiques RH et RSE fortes en matière d’égalité salariale, de flexibilité et de lutte contre les discriminations, que nous pourrons faire évoluer plus rapidement les mentalités par le biais de l’entreprise.
Par ailleurs, les inégalités qui perdurent dans les secteurs tels que l’industrie ou le BTP par exemple, ne pourront se résorber que grâce au travail combiné des pouvoirs publics en matière d’éducation (défaire les stéréotypes dès l’école, promouvoir les filières et métiers SMIT, garantir la place des femmes dans les instances et gouvernances publiques, …) et à l’engagement des équipes dirigeantes au sein des entreprises privées.
À nous de détricoter les stéréotypes de genre et de gommer les idées préconçues, sans attendre que les changements viennent exclusivement des effets de mesures politiques. Parce que la valeur d’une personne, sa capacité à se développer, et même, ses aspirations profondes, ne sont en réalité nullement conditionnées par son genre.
Via www.blog-emploi.com