Un article de Valérie Mazuir
Après des semaines de débats acharnés et de tractations sous haute tension, la réforme des retraites extrêmement impopulaire d’Emmanuel Macron a connu le 20 mars 2023 son épilogue parlementaire, avec son adoption suite au rejet de deux motions de censure déposées après le déclenchement de l’article 49.3 de la Constitution.
C’est une réforme hautement symbolique, un test social majeur sur lequel Emmanuel Macron joue l’avenir de son second quinquennat et fait face à un front syndical uni et des sondages d’opinion très défavorables.
Ce projet, dévoilé le 10 janvier par la Première ministre, Élisabeth Borne, après quelques mois de concertations menées avec les partenaires sociaux et les forces politiques, c’est une nouvelle réforme du système de retraites par répartition.
La réforme prévoit de décaler l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans en 2030 – et non pas de 62 à 65 ans en 2031, comme le chef de l’État l’avait annoncé pendant la campagne présidentielle – et d’accélérer l’allongement de la durée de cotisations à 43 ans dès 2027 (soit aussi un trimestre de plus par an). Mais personne ne devra travailler plus de 44 ans. Et l’âge de la fin de la décote demeurera à 67 ans.
« Ce projet est universel car il concernera tout le monde », a souligné la cheffe du gouvernement, lors de la présentation de la réforme : les fonctionnaires comme les agents des régimes spéciaux devront travailler deux ans de plus. Même si l’extinction des régimes spéciaux (EDF, RATP) ne concernera que les futurs embauchés.
Pour adoucir ces douloureux ajustements paramétriques, l’exécutif a mis en avant des décisions de « justice » : le mécanisme dit des « carrières longues » sera réaménagé et certaines professions – militaires, catégories actives de la fonction publique, aides-soignants à l’hôpital… – pourront continuer à « partir plus tôt » et les règles ne changeront pas, entre autres, pour l’invalidité. Reste que ces dispositifs n’empêchent pas des effets de seuils pour ceux ayant commencé à travailler tôt. Des effets de seuil sur lesquels la Première ministres a accepté lors du débat à l’Assemblée de faire des concessions.
Elisabeth Borne a mis en avant la hausse du minimum contributif pour une carrière complète à 85 % du SMIC (soit 1.200 euros brut par mois), dès septembre. Cela concernera les personnes qui vont partir à la retraite, mais finalement aussi celles qui y sont déjà, comme cela avait été promis pendant la campagne présidentielle.
L’exécutif a décidé d’aller vite. La réforme, présentée en Conseil des ministres le 23 janvier, a été examinée au Parlement en février et mars via un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, un véhicule législatif souple qui lui a permis de limiter les débats dans le temps.
Après d’intenses tractations, la commission mixte paritaire (CMP) qui réunissait le 15 mars mercredi députés et sénateurs s’est mise d’accord sur un texte commun. Elle a repris l’essentiel des demandes de la majorité sénatoriale (surcote, CDI senior restreint, revoyure…) mais aussi et surtout de députés LR sur les carrières longues. Autant de gestes qui réduisent les gains financiers de la réforme. (Lire le détail des mesures plus bas)
Le Sénat a confirmé son vote positif sur cette réforme le 16 mars au matin, ce qui ne faisait guère de doute. En revanche, le gouvernement n’étant pas certain d’avoir une majorité à l’Assemblée, Emmanuel Macron s’est résolu à dégainer l’article 49.3 de la Constitution qui permet une adoption sans vote. Les deux motions de censure déposées ayant été rejetées, la réforme est définitivement adoptée.
Alors que les oppositions contestent la constitutionnalité de la réforme, Elisabeth Borne a décidé de saisir elle-même « directement le Conseil constitutionnel » pour un examen « dans les meilleurs délais » du texte. La gauche a aussi soumis un référendum d’initiative partagée aux neuf Sages qui vont en examiner la recevabilité.
L’objectif de l’exécutif est une mise en oeuvre des principales mesures au 1er septembre 2023.
Source : Les Echos